une image populaire

Chaque nouvelle proposition d’intervention est l’occasion de partager l’intention et la dynamique de Plein le dos, de montrer les messages de dos de gilets jaunes et de se présenter à des publics qui ont pu avoir une vision biaisée pendant le mouvement, du fait de la représentation médiatique dominante. L’exposition « Images en transit » à l’université Aix-Marseille, le « Colloque inaugural des écritures sauvages » à Namur, ainsi que l’intervention donnée au Bal feront l’objet de publications ultérieures.  

En attendant, cet  article se propose de revenir sur l’intervention donnée lors du séminaire automnal du Bal autour du thème « Qu’est-ce qu’une image populaire ? », en présence d’un public large rassemblant divers profils issus des arts visuels ; enseignants, chercheurs, artistes, étudiants. Conviée par Maxime Boidy (maître de conférence en études visuelles), Louise Moulin était invitée à dialoguer avec la chercheuse Sabrina Dubbeld.

L’échange a d’abord retracé la chronologie de l’initiative Plein le dos, depuis l’idée et ce qui l’a motivée jusqu’à maintenant, en passant par la première version du site (tumblr), l’animation des réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram), l’accord tacite avec les contributeurs photo professionnels et amateurs, la conception des feuilles jaunes, le collectif national de diffusion, la pratique du prix libre, le livre Plein le dos [1] et les dons réalisés au profit des mutilés du mouvement, de caisses de défense collective et de personnes incarcérées.

les élites et le vulgaire

A partir de la campagne de sécurité routière qui a imposé la possession d’un gilet jaune aux propriétaires de véhicules (2008) et incarnée par Karl Lagerfeld, il s’est agi de montrer comment les gilets jaunes se sont approprié le slogan, l’ont détourné et moqué en faisant du gilet jaune le must-have du mouvement : « nouveau look pour une nouvelle vie » (Paris, acte 12),  « c’est jaune c’est moche, ça ne va avec rien mais ça habille la révolte » (Besançon, acte 19), « dans quel monde Vuitton ? » (Ajaccio, acte 25 et Paris, acte 97), « je suis gilet jaune parce que nous le valons bien » (Paris, acte 96).

Puis comment, dépassant les clichés, des gilets jaunes ont assumé leur franc parlé en usant de l’argot voire de ce qui peut-être perçu comme de la vulgarité, pour dire les inégalités : « la trique pour les chômeurs, que dalle pour le RSA » (Paris, acte 9), « pour eux des couilles en or, pour nous des nouilles encore » (Evreux, acte 11), « le peuple crève et les riches s’engraissent » (Paris, acte 18). Ou encore, Calimero adressant fièrement un doigt d’honneur (Paris, acte 14), à côté du gilet personnalisé avec le slogan « le peuple des ronds-points » (Paris, acte 14) et de celui affirmant « mon rond-point dans ta gueule » [2] (Toulouse, acte 24).

La dernière partie de la sélection de photos a montré des gilets jaunes assumant de parler d’argent (chez les bourgeois, on n’en parle pas publiquement, c’est indécent) : « aide à domicile, CDI 7 ans, 900€, avantage 0 » (Paris, acte 9), et particulièrement des messages de dos de femmes, plus précaires parmi les précaires : «  j’ai un salaire de 1200 €, à découvert dès le 6 du mois, cherche emploi de secrétaire d’Etat à 6000 € libre de suite ! » (Paris, acte 14), « retraitée, 44 années de cotisations, je veux manger, me loger et vivre » (Paris, acte 96), « paysanne vénère 700 € / mois » (Marseille, acte 61), « fières et déters, femmes précaires, femmes en guerre » (Paris, acte 9) [3]. Enfin un dernier gilet a évoqué la question des prisons, permettant de rappeler que la justice n’est pas la même pour tous et que de nombreux gilets jaunes ont été incarcérés pour leur participation au mouvement : « 78 – fermeture des quartiers d’isolement – Momo » (Paris, acte 58).

le modèle économique, « la cuisine » des archives, la patrimonialisation

La suite de l’intervention a porté sur le modèle économique de Plein le dos, expliquant d’abord la pratique du prix libre issue des milieux autogérés, puis en évoquant l’accord avec les photographes qui a permis aux feuilles jaunes ainsi qu’au livre Plein le dos de générer des gains et de donner 40 000 euros sous la forme de dons solidaires. Le process spontané d’archivage a ensuite été explicité. Enfin l’échange s’est terminé sur la question de la nécessaire patrimonialisation des archives constituées par Plein le dos, des problématiques et des enjeux liés. 

Louise Moulin a enfin expliqué en quoi le positionnement artistique et politique de Plein le dos permet d’ouvrir les portes de cercles de chercheurs (archivistes, art, littérature), notamment de lieux d’exposition d’art, de parler du pourquoi et du comment des collages « sauvages » qui guident le dispositif scénographique des expositions, et en quoi la possibilité d’afficher et de parler de Plein le dos dans ces cercles qui s’étaient le plus souvent tenus à l’écart des manifestations, permet finalement à Plein le dos d’approcher son intention originale, celle de bousculer l’hégémonie culturelle, en n’ayant de cesse de lutter contre le mépris.

Les gilets jaunes triompheront.  


[1] Plein le dos, 365 gilets jaunes. Novembre 2018 – octobre 2019. Les éditions du bout de la ville.

[2] Voir aussi la bande dessinée de notre camarade. Mon rond-point dans ta gueule : portraits de gilets jaunes, Sandrine Kerion, La boite à bulles, 2021.

[3] Slogan validé lors d’une assemblée de femmes gilets jaunes qui se sont organisées pour porter des revendications spécifiques, dont la baisse de la TVA sur les produits de première nécessité.

faire écho encore

Trois ans après le début de cette aventure, Plein le dos n’est plus que rarement présent dans la rue, la dernière feuille ayant été éditée en janvier 2021, et quoiqu’il reste des exemplaires de certains numéros, nombre des membres du collectif sont naturellement passés à autre chose, il y a tant à faire…

Le collectif Plein le dos a diffusé près de 54 000 feuilles de la main à la main ; plus de 500 contributeurs photos ont participé au « pot commun » qui constitue le fond iconographique des galeries visibles sur ce site ; l’initiative a permis de récolter, à prix libre, et de donner 40 000 € à des mutilés ainsi qu’à des personnes incarcérées, somme réunie aussi grâce à la vente du livre-pavé bilingue du même nom (Editions du bout de la ville). Cette initiative nous aura permis de nous rencontrer, d’éprouver des pratiques d’autogestion et de partager une éthique de la lutte, de créer des liens et de tisser des réseaux solides pour la suite.

Il arrive que notre collectif ait l’occasion de se reconstituer à l’occasion d’une invitation pour la sortie d’un film, ce qui a eu lieu récemment avec le film « Un peuple » d’Emmanuel Gras. Les feuilles jaunes, qui commencent à prendre la poussière, sont à la disposition de bibliothèques intéressées pour les avoir : pour cela, il suffit de nous contacter, le mieux étant de le faire en passant par les messageries de nos réseaux sociaux, car le « secrétariat » de Plein le dos s’est lui aussi auto-dissout.

La suite logique de Plein le dos, tel que positionné depuis sa création comme une initiative « politique, artistique et solidaire », permet désormais d’exposer les messages de dos de gilets jaunes lors de colloques universitaires ou d’expositions collectives universitaires ou engagées. Plein le dos n’ayant rien à voir avec le monde marchand, l’initiative ne fait que s’exposer en mode éphémère, c’est-à-dire collé sur un mur le temps d’une exposition. Il n’y a rien à « vendre », sinon la possibilité de repartir avec quelques feuilles jaunes à « prix libre », concept auquel chacun n’est pas accoutumé et qu’il convient à chaque fois d’expliquer.

La liste de ces événements, qui permettent de poursuivre la lutte politique sur de nouveaux terrains et auprès d’autres publics, est consignée sur l’onglet « expositions » du site, la suite s’écrira ailleurs. Pour Plein le dos, il s’agit désormais de réfléchir à qui confier l’archivage des feuilles jaunes et de ce site internet, qui a raconté notre aventure collective au sein du mouvement des gilets jaunes.

Enfin, le réalisateur Hervé Nisic, qui avait souhaité suivre Plein le dos à sa création, a commencé à diffuser « La mémoire vive » , un extrait de son film, toujours en cours de réalisation, à l’occasion de cercles de documentaristes et d’archivistes. On espère un jour pouvoir annoncer la sortie du long métrage. Nous saluons celles et ceux qui nous ont accompagné et nous ont fait confiance. Les gilets jaunes triompheront.

Collage installé à Marseille du 27 avril au 13 mai 2022 lors de la participation à l’exposition collective Contre-visualités / colloque Images en transit

Forum Femmes en Actions

Green - Brand

Le Forum des Femmes en ActionS s’est tenu du jeudi 3 juin au samedi 5 juin 2021 dans le 20ème arrondissement de Paris. La dixième édition de ce festival annuel porté par des associations et des habitant.es des quartiers Belleville – Amandiers – Pelleport, était articulée autour des enjeux et des impacts sanitaires  sur les conditions de vie des femmes, en lien avec  le rapport du CESE  « Crise Sanitaire et inégalités de genre » (mars 2021) qui a révélé combien la pandémie a renforcé les inégalités entre les femmes et les hommes. Car les femmes ont été particulièrement touchées concernant l’augmentation des violences et de l’insécurité socio-économique. Leur charge mentale a explosé ainsi que leur contribution à l’effort collectif, parce qu’elles s’occupent davantage des tâches domestiques, mais aussi parce qu’elles sont en première ligne des métiers du soin, métiers sous valorisés et précaires. Le rapport met aussi en lumière la sur exposition des femmes issues de l’immigration et des femmes migrantes.

En lien direct avec ces questions, et en tant que membre de l’association l’Accorderie du Grand Belleville, Louise, habitante du quartier et cheville ouvrière de Plein le dos a ainsi pu présenter des photographies de messages de dos de femmes à la vingtaine de personnes présentes. Ces images ont donné à voir des messages inscrits sur le dos de Femmes Gilets Jaunes, montrant ainsi que malgré leur invisibilisation médiatique, les femmes ont été très présentes au sein du mouvement, pour la simple raison qu’elles sont les plus précaires parmi les précaires. Elles y ont endossé des mots auquel il s’est avéré pertinent de faire écho : « Auxiliaire de vie en colère », « Dans quel monde Vuitton ? », « Liberté égalité sororité », « 69 ans fragile et toujours pas sage », « Gare à la revanche quand toutes les pauvres s’y mettront », « Mon corps m’appartient, je m’habille comme je veux, quand je veux, si je veux. Ma liberté je m’en charge » etc. Oriane, ex-résidente du Palais de la Femme a parlé des brigades de solidarité populaires mises en place pendant la pandémie, et raconté comment le mouvement des gilets jaunes a permis à la lutte des Femmes du Palais d’être entendue.

La forte présence d’auxiliaires de vie au sein du mouvement a aussi permis de questionner les conditions de travail de ces femmes sur représentées dans les métiers du soin et du ménage, et d’annoncer la sortie du film Debout les femmes (Gilles Perret et François Ruffin). En parlant des réseaux de soutien mis en œuvre avec les femmes du mouvement toutes engagées dans des actions de solidarité, il a été possible de nommer et de saluer la sororité a l’œuvre.

Faisant le lien entre précarité et violences, Adama de l’association Olympe a parlé du sujet des violences faites aux femmes et de la situation particulière pendant la pandémie et le confinement, exposer les nombreuses difficultés rencontrées par les victimes, ainsi que par les professionnels investis auprès d’elles, en raison de la crise sanitaire. La diffusion d’un court métrage a aussi permis de discuter de la violence psychologique, discrète et insidieuse, qui ne laisse pas de marque visible, qui isole, manipule, humilie, et d’alerter sur la façon d’aider les victimes.

Les personnes présentes se sont montrées intéressées et de riches échanges ont pu avoir lieu. Chaque membre du public est reparti avec un tee-shirt sérigraphié avec l’Etabli sur des textiles de seconde main (Guerrisol) du motif « Fières et déters, femmes précaires, femmes en guerre », offert par l’Accorderie. Plein le dos remercie l’Accorderie du Grand Belleville et Neli sa coordinatrice, pour lui avoir permis d’exposer ces images, afin de donner à voir la lutte des gilets jaunes et particulièrement des femmes présentes dans le mouvements, sous un autre angle.

Femmes précaires, femmes en guerre

AGORA FÉMINISTE du 15 mai 2021 lors de l’occupation d’Odéon. Avec les femmes du palais, les Femmes Gilets Jaunes, les femmes Mutilé.e.s pour l’Exemple, et les femmes du collectif Plein le dos, pour porter un féminisme populaire ! Les vraies féministes c’est nous, pas Schiappablabla, parce que la lutte pour les droits des femmes nous l’éprouvons dans nos chairs chaque jour ! 

Merci aux Grenades qui nous ont convié, bravo à tous les collectifs présents et soutien à toutes les femmes qui luttent et qui prennent soin les unes des autres.

La pétition pour la déconjugalisation de l’allocation adulte handicapé

Omnia sunt communia

Vehicle registration plate - T-Shirt

Notre collectif a toute légitimité pour se joindre aux célébrations des cent cinquante ans de la Commune; d’une part, nombre de gilets jaunes dont Plein le dos a archivé les photos de dos l’ont évoquée avec des citations et des portraits de Louise Michel, les mots de Victor Hugo, des dessins de barricades en flammes. Et aussi parce que Plein le dos est porté par des personnes qui ne font ni carrière, ni profit personnel. Nous estimons que nos actions, ainsi que les principes sur lesquels elles reposent, honorent l’héritage communard, et nous en somme fier.e.s. Voilà pour l’auto-congratulation : un adage populaire dit qu’on est jamais mieux servi que par soi-même, et la culture populaire, nous nous en revendiquons ! 

Cela fait, on ne remerciera jamais assez toutes les personnes qui nous ont fait confiance, tous les photographes, pros ou amateurs qui ont participé au pot commun tout au long de l’aventure, toutes celles qui ont bien voulu donner un coup de main, transporter un paquet de Paris à Toulouse, Marseille, Bruxelles etc., diffuser le bras levé pour porter les messages et collecter de l’argent pour les cagnottes de mutilé.e.s et pour les personnes incarcérées. On ne peut que remercier aussi notre éditeur, Les éditions du bout de la ville, qui a vu le potentiel de notre initiative, qui a imaginé le pavé bilingue en noir et blanc, et avec qui nous nous sommes tout de suite accordés sur des principes communs. 

Depuis le mois d’août 2020, notre collectif a cagnotté et versé un total de 5 400 € à : Achraf qui a eu la mâchoire brisée par un tir de LBD 4 décembre 2018 ; au collectif les mutilé.e.s pour l’exemple pour les aider dans l’organisation de leur troisième marche à Amiens ; à l’association Taramada pour contribuer au frais de justice de Dylan ; à Antoine, Frédéric, Casti, Vanessa, Hedi, Patrice, Axel, Xavier, Amil, Kaïna et Maria, pour les soutenir dans leurs difficultés ; et à la Legal team de Nantes.

Au bout de deux ans, c’est un total de 29 888 € qui ont été versés à des caisses de solidarité, dont 12 000 € grâce au livre Plein le dos.

Il y a du monde pour donner une image glamour de l’insurrection et chauffer les foules avec de belles images, des lancers de pavé au ralenti et des berlines en flammes, mais on se sent seul.e.s quand il s’agit de se soucier de la vie de ces gens, Vanessa, Dylan, Sébastien, Mélanie, Alain, Gwendal…, qui y sont allés la fleur au fusil, et qui sont tombés pour des idées. Mais enfin, chacun fait ce qu’il a à faire à sa place, et la nôtre est celle-ci : honorer le peuple des ronds-points et soutenir les blessé.e.s.

Parce que c’est politique : on ne peut pas attiser impunément les foules et ne rien faire quand il s’agit d’aider à survivre ceux qui y sont allés, qui ont pris cher et ne parviennent plus à vivre dignement. Ce n’est pas pour se jeter des fleurs – c’est pour le dire, parce que c’est important.  

Texte lu par des camarades à Lamballe mercredi 17/03 sur le rond-point (juste avant d’être verbalisés)

« La Commune de 1871 est fille des révolutions de 1789, 1792, 1830, 1848… La Commune, c’est la révolte des gueux, des gens qui ne sont rien, des Gaulois réfractaires, des laissés-pour-compte de la consommation et du capitalisme triomphant, des exploités du travail, des opprimés de tous les pouvoirs autoritaires.

La Commune est rebelle et patriote. Elle éclate à Paris le 18 mars 1871 lorsque des soldats fraternisent avec la Garde nationale. Mais la Commune existe aussi à Marseille, Saint-Étienne, Lyon, Le Creusot, Narbonne, Grenoble, Bordeaux… Réfugié à Versailles, le gouvernement envoie l’armée pour écraser la révolution.

La Commune de Paris aura duré 72 jours.
72 jours pendant lesquels elles organise ses propres élections pour mettre en place une démocratie directe qui décide : rétablissement de la liberté d’expression, la séparation des Églises et de l’État, révocabilité des élus, salaire maximal pour les responsables des services communaux et interdiction du cumul des indemnités, réquisition des logements vides pour les pauvres, réquisition des ateliers abandonnés pour les confier à des coopératives autogérées d’ouvriers, fin des amendes et des retraits sur les salaires, salaire minimum, égalité de salaire entre hommes et femmes dans l’enseignement, école gratuite, laïque et publique dès l’âge de 3 ans.

Héritiers de la Commune, les Gilets Jaunes ont crié à leur tour : “Nous voulons un État démocratique et social” pour le bien commun et non pas la “République de l’ordre social dominant” au service d’une oligarchie. Et ils ont eu droit eux aussi à la répression, à cette violence dite légitime qui mutile les corps et les esprits, au mépris de classe, aux mensonges des chiens de garde médiatiques. L’Histoire rendra Justice aux Gilets Jaunes comme elle la rend aujourd’hui aux communards qui se sont levés pour la justice sociale et l’humanité au cri de “Vive libre ou mourir !”.

Vive la Commune ! Vive les Gilets Jaunes ! Vive la liberté !


Le collectif Plein le dos 

Deux ans

L’acte 111 marque la fin de cette année 2020, soit plus de deux ans de mobilisation et de lutte ininterrompue, que ce soit de la rue ou de ces lieux emblématiques que sont devenus les ronds-points. Lors de l’acte 96, le bras tendu avec nos feuilles jaunes, nous avons rencontré Carlos, GJ du rond-point des vaches, près de Rouen. En repartant avec sa feuille, il nous a fait remarquer en rigolant que cela faisait deux ans qu’il venait à Paris et que depuis le temps, cela serait bien qu’on vienne aussi le voir.

Carlos lors de notre rencontre durant l’acte 96.

Chose faite pour l’acte 98, qui a vu Carlos surpris de nous voir débarquer sur son rond-point avec un « tu nous as invité, on est là ! ». Il s’en est suivi un échange très enrichissant sur le vécu de ce lieu de lutte, chacun de nous faisant part de son expérience.

Aujourd’hui encore, ils sont quotidiennement entre trois et trente sur ce rond-point, à porter messages et revendications, avec humour ou virulence, du panneau publicitaire détourné, de la banderole « slogan », au dialogue avec ceux qui passent. Si leur présence réjouit toujours certains, la majorité est indifférente et quelques-uns, peuvent même leur être hostiles. Ils subissent les pressions permanentes des forces de l’ordre, passages de véhicules de police, caméras installées sur le rond-point, intimidations des nouveaux arrivants par des contrôles d’identité, gardes à vue, amendes allant jusqu’à 450€ (dépôt d’ordures illégales pour leur stock de palettes).

Lors de notre visite du mois de septembre.

Ne pouvant plus s’installer à même le rond-point, leur cabane se faisant détruire quotidiennement, ils se sont installés juste à côté, sur un parking semi-privé. Ils y ont construit une table avec des bancs en palettes. Lors de notre visite, l’ensemble n’avait pas de toit. A chaque fois qu’ils en ajoutaient un pour s’abriter, tout était systématiquement démoli par les forces de l’ordre. Heureusement cela n’est plus d’actualité, car aujourd’hui ils ont un toit depuis maintenant un mois, et même depuis dix jours un petit chauffage.

Après la récente installation d’un toit et d’un chauffage.

Les banderoles et panneaux du rond-point sont régulièrement arrachés, lacérés, les gilets laissés sur le terre-plein central, saccagés. Aujourd’hui quand les panneaux et les banderoles durent plus de 24h, c’est une chance… Ils nous ont ainsi fait part des mésaventures suivantes : la récupération d’une statue en plâtre qui avait laissé de la poudre sur leur table (filmé en permanence par une caméra) leur a valu le passage des STUP avec chiens et contrôle musclé. Une banderole « Darmanin violeur » qui a tout de suite été détruite, leur a valu les jours suivants, la visite de la BAC, de la BRI et de plusieurs fourgons de police. Au regard de l’isolement du rond-point, de cette table en palette à la merci du froid et du vent, ces récits et bien d’autres, laissent transparaitre toute la disproportion dans les moyens déployés à leur encontre. 

Malgré cela, la forme de désolation laissée par les destructions successives, le froid et la fatigue qui se lit sur les visages, ils sont toujours là. 

Leur détermination force le respect, et bien que la situation ait changé depuis les débuts du mouvement où certains membres des forces de l’ordre passaient prendre un café-croissant et mettaient un peu d’argent dans leur cagnotte, ils ne lâchent rien et sont toujours prêts à remettre de nouvelles banderoles ou à revisiter les panneaux publicitaires avec humour.

Discuter avec eux a été pour nous l’occasion de nous reconnecter aux valeurs essentielles de ce mouvement, la solidarité, l’écoute, la bienveillance et toute l’humanité qui donne sens à ces gilets.

Merci aux GJ du rond point des vaches et à toutes celles et ceux qui luttent, pour cette année 2020.

On reste là et ensemble on lâchera rien pour 2021 !

Le collectif Plein le dos

On est encore là !

Tourism - Demonstration

Le collectif Plein le dos est composé de militant.e.s solidaires avec celles et ceux qui luttent pour la justice et l’égalité. Ce qui nous unissait avant et qui nous réunit maintenant, ça n’est pas notre situation particulière, c’est une conscience commune par-delà nos origines sociales, nos professions, nos histoires personnelles, nos âges, nos croyances, nos diplômes, nos statuts, nos couleurs de peau, nos genres… Cette conscience commune, nous l’avons retrouvée auprès des gilets jaunes.

Pas besoin d’être chômeuse ou sans-papier, pas besoin d’être cheminote ou hospitalier, pas besoin d’être enseignante ou retraité, pas besoin d’être victime de racisme ou mutilé, pas besoin d’être une femme ou une minorité opprimée pour se sentir concerné. Pas besoin d’être précaire aujourd’hui pour savoir que ça nous touchera peut-être demain et que l’augmentation de la précarité dans la société a partout des effets qui nous affectent déjà de près ou de loin. Pas besoin d’être sans-papier pour savoir qu’on ne mérite pas l’endroit où l’on est né. Pas besoin d’être soignant pour savoir qu’on a tous besoin de l’hôpital public. Pas besoin d’avoir été mutilée pour penser que les victimes de la répression ont besoin de notre soutien. Pas besoin non plus d’être assistante de vie indépendante ou routier pour comprendre que ça n’est pas le prix de l’essence qui changera quoique ce soit au réchauffement climatique, et que voir ce prix augmenter, quand on doit prendre sa voiture chaque jour et que tout augmente sauf les salaires, ça fout la rage.

Ces derniers mois ont été difficiles pour tout le monde et pour certains plus que pour d’autres, on le sait. C’est pour continuer de cagnotter pour les blessé.e.s et les caisses de défense collective, mais aussi parce que les messages inscrits sur les dos des gilets nous concernent tous, que notre collectif continue de porter ses feuilles jaunes en manifestation. Notre prochain numéro, le vrai « numéro 9 » (mais en vrai le 14e numéro pour celles et ceux qui ont suivi l’histoire), sortira sur le pavé en janvier 2021. Nous le tiendrons à bout de bras pour le diffuser aussi loin que possible, en espérant qu’il ne nous reste pas sur les bras. Et c’est aussi pour ça que nous réduirons le tirage à 2 500 exemplaires.

Reste que nous ne pouvons que remarquer aujourd’hui que peu de personnes savent ce qu’est Plein le dos. C’est normal évidemment. Ça nous montre que si le mouvement des gilets jaunes rassemblait des gens pratiquant de nombreux métiers, celles et ceux qui sont aujourd’hui dans la rue n’y étaient pas avant. Il n’est pas question de jeter la pierre, on ne peut pas se payer ce luxe, mais ça questionne forcément dans un monde du chacun pour soi où l’on se décide à sortir quand sa propre condition est affectée, ou chacun vit dans sa bulle. C’est comme ça. Et puis on sait aussi que certains n’y croient plus et que d’autres ne peuvent pas être là. La répression, l’acharnement judiciaire, le découragement ont des effets sur nous évidemment. Cela dit, il faut bien le reconnaitre, d’autres personnes ont récemment découvert Plein le dos, lors des manifestations contre la réforme des retraites ou contre la loi de répression globale. Et c’est très bien comme ça !

Nous serons donc de tous les cortèges à venir avec nos feuilles jaunes à bout de bras, enchantés chaque fois qu’une personne plus curieuse qu’une autre nous demandera : « Qu’est-ce que c’est ? ». Ce que nous tenons dans nos mains reste d’actualité, les messages de justice fiscale, sociale, démocratique, écologique, les messages émancipateurs de celles et ceux que nombre éditocrates, médias chiens de garde et politiques  n’ont eu de cesse d’insulter. Et nous poursuivrons, fier.e.s, déter.e.s, solidaires à être là, feuilles jaunes à bout de bras, pour l’honneur des travailleurs et pour un monde meilleur. ça nous concerne bien plus qu’on le croit, c’est pour ça qu’on est là et qu’on y restera. 

Enfin on profite de cet article pour dire que la diffusion de nos feuilles jaunes a permis de donner depuis juillet 2019, la somme 3 200 € à : Achraf un lycéen marseillais mutilé, au collectif les mutilé.e.s pour l’exemple en soutien à l’organisation de leur marche à Amiens, à l’association Taramada pour soutenir les frais juridiques de Dylan, ainsi qu’à Antoine, Frédéric, Casti, Patrice, Vanessa et Hedi, membres du collectif les mutilé.e.s pour l’exemple, pour les aider dans leurs difficultés liées à leurs blessures et accentuées par  la situation sanitaire, soit un total de 23 700 € depuis le début de l’initiative.

A bientôt pour la suite !

Le collectif Plein le dos

Cagnotte

Le collectif Plein le dos étant composé de militant.e.s solidaires soutenant diverses luttes, nous avons préféré nommer l’association dont nous avions besoin pour gérer l’argent cagnotté (recevoir et reverser) sous un autre nom, de façon à ce qu’elle puisse nous être utile lorsque ce collectif éphémère sera passé à autre chose.

Comité Vertigo est le nom que nous avons choisi pour cette association.

Depuis le début de l’initiative Plein le dos nous avons pu verser l’argent récolté à des blessé.e.s et incarcéré.e.s (notamment mais pas que, voir sur www.pleinledos.org/solidaires) et nous nous sommes naturellement rapprochés des Mutilé.e.s pour l’exemple, ainsi que du collectif Désarmons-les et l’Assemblée des blessés.

Article 2 : Objet de l’association
Inviter le plus grand nombre à prendre part à la vie de la cité en : organisant la collecte d’informations, d’images, d’objets, de sons etc. pouvant être utiles à l’histoire des mouvements sociaux. Soutenant la création d’outils de communication et la diffusion d’informations concernant ces mouvements sociaux et pouvant participer à la construction d’une mémoire populaire. Apportant divers types de soutien aux mouvements sociaux. Sensibilisant à l’engagement via des outils et actions d’éducation populaire. Organisant des évènements culturels, artistiques et politiques (soirées, projections, débats, etc.).

C’est pourquoi, en attendant que leur collectif soit constitué en association (et qu’ils puissent ouvrir un compte Hello Asso), nous leur avons proposé d’héberger leur cagnotte.

Elle est accessible ici.

Philosophy - Amiens

Nous remercions par avance tous les soutiens qui partageront ce post explicatif et le lien vers cette cagnotte temporaire : tous les fonds reçus leur seront évidemment reversés.
Ils elles en ont besoin (et c’est pas rien de le dire).

MERCI

Déconfiné.e.s

Au sortir de ces deux mois de confinement, nous avons repris la rue à Paris, Marseille, dans les Côtes-d’Armor et aillleurs pour diffuser nos feuilles et leurs messages émancipateurs et pour défendre la vision d’un monde juste et solidaire.

Le 30 mai, malgré l’interdiction de la préfecture de police, des milliers de sans papiers se sont rassemblé place de l’Opéra à Paris et ont défilé jusqu’à la place de la République : ils sont nombreux à Paris à travailler pour des salaires de misère. Ce jour-là, et pour la première fois, nous avons donné les quelques feuilles jaunes que nous avions apportées et nous avons eu la joie de voir les manifestants sans papier les lire avec curiosité, avant de les brandir fièrement à bout de bras levés.

Nous étions présents le 3 juin à l’appel du comité Vérité pour Adama pour demander justice et vérité pour les victimes des violences policières et dénoncer le racisme. Au vu de quelques réactions désagréables (sur les réseaux sociaux) à propos de la présence de notre collectif lors de ces rassemblements, nous rappelons que notre principal problème n’est pas l’Autre, « l‘étranger », mais l’accumulation des richesses dans les mains de quelques-uns , que le rôle de la police n’est pas de tuer et qu’être présent.e.s dans ces manifestations permet d’y diffuser les messages politiques de nos feuilles jaunes.

Dans les Côtes-d’Armor le collectif a aussi repris la diffusion lors des manifs et rassemblements contre les violences policières et à Rennes pour la manif du 16 juin du personnel soignant.

À Marseille, nous avons repris la rue les 2, 6 et 13 juin lors des manifestations contre les violences policières et le racisme systémique, qui ont rassemblé beaucoup de monde et d’énergies. Nous avons diffusé le hors-série Femmes à l’occasion de la journée de mobilisation féministe nationale le 8 juin, “Fortes, fières, masquées et en colère”, appelée par plusieurs collectifs pour un déconfinement féministe. Et nous étions aussi présent.es avec nos feuilles jaunes lors de la manifestation de soutien aux soignant.es du 16 juin, ainsi qu’à la marche pour la régularisation des sans-papiers le 20 juin.

A Paris nous avons bien-sûr rejoint les rassemblements hebdomadaires de soignant.e.s, au côté des personnels des hôpitauxTenons, Saint-Louis et Robert Debré, ainsi que les manifestations qui rassemblent plus largement les personnels hospitaliers et les travailleurs du soin public ou privé. Nous serons d’ailleurs demain à 14h au départ du cortège “Public/Privé pour une santé de haut niveau”.

Dons solidaires

Nous versons ce jour 1500 euros pour la caisse de défense collective d’Ile-de-France et 1500 euros pour l’association Hand-Social crée par la Toulousaine Odile Maurin, gilet jaune militante pour le droit des personnes handicapées, condamnée vendredi 6 décembre après-midi, à Toulouse, à deux mois de prison avec sursis et un an d’interdiction de manifester pour avoir soi-disant volontairement percuté deux policiers avec son fauteuil roulant électrique. Soit un total de 23000 euros donnés depuis le début de l’aventure Plein le dos. Le détail ici.

Nous avons repris la publication des photos sur ce site. Afin d’être en mesure de poursuivre l’aventure, nous comptons sur vous pour nous envoyer les messages de dos photographiés partout en France lors des manifestations à photo@pleinledos.org en précisant la date et la ville : nous pourrons ainsi les archiver et continuer les impressions et la diffusion.

A demain pour la suite !

Le collectif Plein le dos

Chante la rue

Nous avons découvert avec joie le clip de confinement réalisé par nos ami.e.s du groupe Kalune. Nous sommes heureux de le partager, en attendant de pouvoir recouvrer un peu de liberté. Voici les mots qui ont accompagné la mise en ligne de ce morceau qui rend un bel hommage aux mots de la rue.

” On se sentait un peu impuissants face à tout ce qu’il se passe en ce moment, et on voulait un morceau qui puisse redonner du baume au cœur, sans occulter les réalités auxquelles nous devons faire face, celles d’un capitalisme meurtrier et d’un fascisme de plus en plus présent. Alors, que dire… Puisque tout a déjà été dit, tout a déjà été scandé, affiché, tagué. Que dire sinon répéter, inlassablement, les paroles du peuple.

Le collectif Plein le dos l’avait bien compris, puisqu’ils ont mis en lumière, au travers leur magazine et leur site internet, les revendications populaires affichées sur les dos des Gilets Jaunes. C’est leur travail qui nous a inspiré ce morceau. Merci à tous les photographes dont les clichés se retrouvent dans le clip !

Voilà. Il est un peu long, mais c’est pas notre faute, c’est juste que vous avez beaucoup de choses à dire ! Et on espère qu’il vous inspirera plein de nouveaux slogans pour accompagner nos luttes.

Les temps à venir s’annoncent difficiles, le combat pour la Vie ne fait que commencer.

Plein d’Amour sur Vous…

Le groupe Kalune : Anaïs, Bobi, Damien